Les citoyens parlent aux communicants publics : soyez clairs, simples et transparents !

60 000 contributions de la plateforme numérique du Grand Débat national ont porté sur les attentes des citoyens en matière d’information et de communication. Ils souhaitent des progrès, en matière de transparence et d’outils numériques notamment. Une analyse réalisée grâce à La Vox Populi, un outil créé par Epiceum et Inférences pour restaurer la confiance dans les processus de participation citoyenne. 

Fait inédit dans la Ve République, et même sans doute dans notre démocratie depuis la convocation des états-généraux du 24 janvier 1789 : au premier trimestre 2019, plus de 250 000 citoyens ont participé à la plateforme numérique centrale du Grand Débat national, apportant plus de 7 millions de contributions aux 130 questions posées. Des centaines de milliers d’autres ont aussi déposé des doléances en mairie et participé à des réunions régionales.

Quels enseignements cet exercice de démocratie participative est-il susceptible d’apporter aux professionnels de la communication publique ? Grace à La Vox Populi, une analyse des verbatims concernant la communication et l’information permet de s’en faire une idée.

Des adjectifs qui sonnent comme des revendications…

La prépondérance de l’adjectif « meilleur », qui apparait comme le plus souvent associé aux termes « communication » ou « information », suggère en creux que la communication publique actuelle est perçue comme perfectible. Mais comment ? Elle doit d’abord être « simple » et « claire » : les citoyens sont fâchés avec la complexité de l’action publique et un enjeu de la communication est de la rendre plus immédiatement « compréhensible ». Autres demandes fortes : la communication doit être « accessible » (avec un poids élevé de « numérique »), « régulière » et « transparente ». La notion de régularité est intéressante : les répondants ne veulent pas de « grand-messes » communicationnelles de circonstance, mais des échanges fréquents et au long cours avec les acteurs publics.

Figure 1 : les adjectifs liés à « information » ou « communication ».

La transparence comme valeur morale cardinale

La recherche de mots connotant une valeur morale, comportementale ou psychologique laisse apparaître dans l’esprit des répondants au Grand Débat une attente d’accompagnement : mieux voir et mieux comprendre pour mieux participer et mieux décider !

Figure 2 : les valeurs liées à « information » ou « communication ».

Cet angle d’analyse révèle avant tout une attente écrasante de « transparence ». Cela suggère un nouveau rapport critique des citoyens à une action publique qui doit rendre des comptes sur ce qu’elle fait, ce qu’elle dépense, ce qu’elle vise, ce qu’elle obtient. La deuxième valeur mise en avant est la « pédagogie », donc un désir de compréhension et un besoin d’explication. Enfin, « confiance » constitue la troisième valeur forte associée à « information » et « communication ». Elle doit être instaurée (ou restaurée) par des moyens permettant un échange sincère avec les citoyens et les administrés.

Numérique et démocratie : l’alliance attendue !

L’analyse des moyens (canaux, supports) les plus souvent cités révèle des répondants résolument entrés dans l’âge numérique. La domination des items « internet », « site », « réseau social », « plateforme », « en ligne » l’atteste. Les « médias » (« tv » et « télévision », « presse », « radio ») apparaissent également et on notera que la « réunion » (in real life !) reste un moyen souvent cité pour l’échange direct. Du côté des supports, les répondants parlent de « document », « rapport », « courrier », « publication », « présentation », « tableau », « compte-rendu ».

Figure 3 : les moyens d’information ou de communication.

Cette domination des outils numériques est toutefois à pondérer par le fait que le profil des répondants à la plateforme centrale du Grand Débat n’est pas représentatif de toute la société française : la relative complexité de cette plateforme a créé un filtre d’accès et de participation. De même, La Vox Populi a montré dans une de ses «révélations » (lire ici l’article consacré à ce sujet) que les contributeurs s’étaient davantage mobilisés dans les métropoles que dans les zones périphériques et rurales. Néanmoins, la banalisation des outils numériques est une réalité : une démocratie moderne ne peut plus se priver des moyens exceptionnels que donnent ces outils pour émettre, mais aussi pour recevoir des informations.

Ce survol très rapide pourrait être approfondi par d’autres outils de La Vox Populi : clustering sémantique, analyse thématisée des attentes de contenus de communication, etc. Il montre que les contributions citoyennes apportent des éclairages utiles sur les perceptions et les attentes des publics. La richesse des réponses au Grand Débat forme en soi une source précieuse d’informations sur les aspirations démocratiques en 2019 : il faut espérer que les décideurs et maîtres d’ouvrage s’en approprient les contenus… au lieu de simplement commenter le contenant ! Car les citoyens ont émis une impressionnante masse d’opinions, d’appréciations et de propositions, l’ignorer serait une perte d’informations utiles — et une indifférence contraire au principe même de l’exercice de sollicitation des avis.

Une analyse menée par La Vox Populi sur la métropole de Bordeaux et la Gironde (cette analyse a été rendue possible par l’utilisation du seul filtre disponible pour traiter les données ouvertes du Grand Débat, à savoir le code postal) a ainsi montré la capacité de produire des interprétations territorialisées des expressions citoyennes, avec une compréhension fine de leurs attentes. D’autres territoires s’interrogent sur l’opportunité d’une telle démarche. Il s’agit pour La Vox Populi de démontrer la possibilité d’analyses quantitatives et qualitatives indépendantes et fiables, permettant d’objectiver ces contributions (mesures, indicateurs, modélisation) aussi bien que de restituer les subjectivités (opinions, valeurs, signaux faibles et forts des attentes).

Les citoyens s’expriment pour être entendus, ils ont dit leur désir que cela soit suivi d’effets et que cela devienne une pratique régulière : n’est-ce pas aux élus et aux administrations de faire désormais l’autre moitié du chemin ?

Par Christian de La Guéronnière, directeur de l’agence Epiceum et Jean Laloux, directeur associé du cabinet Inférences, co-fondateurs de La Vox Populi.

Article publié dans la Lettre de la communication publique et territoriale (newsletter Cap’Com n°490) le 27 juin 2019, dans sa version originale avant secrétariat de rédaction de l’éditeur.

Point de méthodologie

Pour cet article, La Vox Populi a isolé les verbatims qui emploient les mots « information » ou « informer » et « communication » ou « communiquer » dans les réponses aux questions ouvertes des quatre thèmes proposés sur la plateforme du Grand Débat – écologie, démocratie, fiscalité et organisation de l’Etat. Le corpus ainsi formé a représenté près de 60 000 prises de parole.

Les citoyens parlent aux communicants publics : soyez clairs, simples et transparents !